C’était une sotte. Une sombre idiote. Ah Aurore.. Partir ainsi, sans rien demander à personne. Sans même prendre la peine de prévenir ne serait-ce que son propre frère. J’étais en colère. Terriblement en colère contre elle et contre sa stupidité. J’avais vu mourir bien des protégés depuis deux siècles, oui. De mort naturelle, ou accidentelle sans rapport aucune avec la magie pour la plupart. Mais il était arrivé que je perde des protégés à cause d’un démon. A vrai dire, j’ai toujours pensé que je ne me suis jamais vraiment remise de ces morts. Et si je devais perdre Aurore à cause de sa bêtise, j’aurais bien du mal à y faire face. En bref ? Il fallait que je la retrouve. Absolument. Même si je devais remuer toute cette maudite ville dans laquelle je venais d’arriver. Je savais qu’elle était ici, quelque part. Mes sens ne me trompaient jamais.. Mais elle avait tendance à bouger continuellement, et même dans un espace plutôt restreint, je n’arrivais pas à la localiser avec certitude. C’était frustrant. Je perdais un temps précieux dont j’avais besoin pour former un nouvel être de lumière, confié ce matin même à mes soins par les Fondateurs.. Et je me retrouvais bloquée dans ce trou, au fin fond de nulle part. Quelle idée avait-elle eu de venir ici ? Très sérieusement. Je n’étais tout simplement pas tranquille, au fond de moi. Je ne pouvais pas l’être. Je m’inquiétais, c’était évident. Il pouvait lui arriver n’importe quoi et il était de mon devoir de la protéger. D’être là pour la remettre dans la bonne direction lorsqu’elle avait tendance à divaguer un peu trop. Chose qu’elle avait faite en décidant de venir ici. Elle savait, pourtant, que ses pouvoirs étaient complémentaires à ceux de son frère et qu’ils avaient besoin d’être deux pour vaincre un démon. Ah ! Elle allait bien finir par me rendre folle.

Pour l’énième fois, je me concentrais pour retrouver la trace de son flux magique. Mais ce flux se brouilla, occulté par une puissance magique si ce n’était plus forte, au moins plus marqué que celui de ma protégée. Mes sourcils se froncèrent et une peur serra mon cœur. Et si Aurore était tombée sur plus fort qu’elle ? C’était irrationnel. Sûrement m’aurait-elle appeler si elle s’était su en danger de mort.. Ou peut-être n’en avait-elle pas eu le temps ? Sans réfléchir, je m’éclipsais déjà. Il fallait que je sache, et vite. Et, surtout, il fallait que je puisse intervenir si ma protégée était en danger. Ce fut dans une ruelle que mon sens me guida et, à peine arrivée, je dus esquiver le corps d’un homme jeté par un autre. Le flux magique que j’avais ressenti émanait de l’homme qui avait envoyé son adversaire droit sur moi – ou sur le mur, je supposais, avant que je ne débarque – et je restais perplexe. Cet homme n’était définitivement pas un sorcier. Je pouvais le sentir.. Mais je ne pouvais définir avec exactitude sa nature. Son adversaire sortit une arme et mon sang ne fit qu’un tour. Sorcier ou pas, je ne ressentais rien de foncièrement mauvais en l’homme ! Je ne savais pas ce qu’il était, certes. Mais il restait un innocent. Et je m’étais retrouvée, en quelque sorte, au bon endroit, au bon moment. D’une éclipse, je me retrouvais à côté de cet étrange homme. La seconde d’après, l’adversaire tirait sur l’innocent que le hasard avait mit sur ma route.

« BALLE ! » dis-je vivement, tendant la main devant moi pour renvoyer l’objet que je venais d’appeler droit dans un mur. Je m’approcha de l’adversaire, utilisant une nouvelle fois mon don d’éclipse pour ne pas perdre une seconde et pour ne pas lui laisser le temps de répliquer. Je ne ressentais pas la moindre magie en lui et ce fut presque en soupirant que je me forçais à montrer un troisième de mes pouvoirs. Je n’avais, semblait-il, pas le choix. Je n’aimais pas celui-ci. Mais, sans rien dire, j’altéra légèrement la mémoire de l’homme, tout en lui prenant son arme avec des gestes lents, avant de parler d’une voix douce. « Maintenant, vous n’avez plus rien à faire dans cette ruelle. Vous passez même une bonne journée, à vrai dire. N’avez-vous pas envie d’un bon chocolat ? Si vous vous demandez ce que vous faites dans cette ruelle, dites-vous simplement que vous vous êtes égaré. Ça arrive à tout le monde. Au revoir, Monsieur. » je lui fis un grand sourire, qu’il ne me rendit pas, légèrement confus. Mais il tourna les talons, visiblement déboussolé par ce qu’il n’arrivait plus à remettre en place dans son esprit. Et, enfin, lorsqu’il fut parti, je pu me tourner vers l’autre homme. Les bras croisés sur ma poitrine. « Qu’êtes-vous ? Et ne me mentez pas. Je ressens une puissance magique particulière, en vous. Vous n’êtes ni un démon, ni un sorcier. Du moins, je ne ressens pas le flux d’un démon ou d’un sorcier, même si c’est.. confus. »  Je ne le lâchais pas du regard. Et j’étais têtue.. Très têtue.